Tu commences fort la semaine, Alain.
Ce bon commentaire sur cette belle photo et la vidéo me rappellent une nouvelle, d'un américain moyen, aussi gras que déçu par la vie, qui suit servile son épouse sur une île quelconque mais enchanteresse du Pacific, avec ses plages, ses cocktails et ses jolis garçons, qui ont la particularité de tomber immédiatement amoureux des richesses américaines frustrées tout en liposuccion. Bien malheureusement pour eux, le silicone n'existait pas encore. Pour goûter à la longueur locale, l’épouse lui offre une sortie de pêche au gros en haute mer. L'homme maugrée, embarque ses bières, est distrait, s'ennuie puis doit bien prendre place dans le siège à l'arrière. Les accompagnateurs locaux et les autres prêcheurs se moquent de lui, de sa tenue, il a oublié l'huile solaire et il porte un bermuda bon marché, une chemisette de réclame de l'hôtel et ne connaît pas les Ray-Ban.
Ils éclatent de rire quand il panique parce que le poisson s'accroche au hameçon. Et pus,la ligne file, file et file encore, se dévide, l'attire dans le vide à vitesse hallucinante même pour un initié quand soudain la bête attaque le petit bateau. C'est un espadon mythique. Moby Dick en est jaloux de toutes ses pages. Le patron hurle dans un mauvais anglais de lâcher la ligne, de couper le câble. Mais l'américain se révèle, il va se battre pendant neuf heures harassantes, brûlé par le soleil et le fer, la peau des mains arrachées par la canne, malade comme un chien, incapable de pisser, tétaniser par la brutalité de l'animal.
Qui se rend. Dans un silence religieux. Quand l'homme se retourne vers les autres tandis que le personnel hisse le vaincu sur le pont arrière, il entend le pilote raconter l'exploit par radio à la capitainerie, convoquer la presse. Chacun vuet le féliciter le premier. Chacun se réclame de son amitié, lui prodigue des conseils bien tardifs et inutiles, tout le monde raconte l'exploit comme s'il y avait participé, fait de projets d'avenir pour lui, offre ses services.
Lorsque le marin lève son couteau pour achever l'espadon, l'américain a un dernier sursaut : juste une photo pour lui. il ordonne de rejeter illico le poisson à la mer. L'océan peut être fier de lui. Religieusement et avec un grand respect, le matelot s'exécute. Les autres américains, canadiens et australiens ne le comprennent pas. ils sont frustrés et furieux, c'est leur trophée, quand même ! L'homme hausse les épaules, sourit au pilote et s'en dort à même le pont au moment où l'espadon termine son troisième tour de bateau et s éloigne.
Il ne perçoit pas le regard admiratif et amoureux des membres de l'équipage. Quand le bateau arrive au port, une ambulance l'attend, mais aussi toute la population locale qui veut lui baiser la main ou les pieds. Elle va prendre soin de lui. Pas d'hôpital pour touristes, mais les soins traditionnels des autochtones dans le village.
Plus aucun bellâtre n'ose blasphémer en approchant son épouse, qui prend conscience trop tard qu'il y a quelque chose qui lui a échappé. Elle découvre les premières pages des journaux, elle ne comprend que tout le monde manifeste autant d'estime et de respect pour ce pleutre de mari. Toutes ces greluches bien balancées qui tournent autour de lui l’indiffère, les connes. Il est invité dans les plus grands hôtels. ABC, NBC et CNN font un reportage sur son exploit et son geste plein d'humilité. Lorsqu'elle se retrouve seule dans l'avion avec un gros chèque et les papiers du divorce signés en blanc, elle comprend seulement qu'il devait être moins c.n que cela quand elle est priée fermement de quitter la première classe puisque "monsieur" n'est plus son mari. Elle le hait toujours.
L'homme ne pêchera plus jamais, il ouvrira un bar-restaurant pour ses nouveaux compatriotes, choisira une épouse de son ãge et deviendra une sommité de l'île et une légende pour les touristes. Son dernier mot sera : "il est temps d'en revenir aux photos".